
J’ai toujours été attiré par l’odeur de la forêt, plus particulièrement l’odeur des conifères. Repensez aux fois où vous avez quitté la ville et que vous êtes arrivé près d’une forêt : la toute première grande inspiration que vous avez prise vous a sans doute fait le plus grand bien. Toutes les essences aromatiques de conifères sont bénéfiques pour le système respiratoire. Depuis que j’utilise les huiles essentielles dans mon quotidien, je me rends compte encore plus des bienfaits que ces essences ont sur nous. Leur composition riche en monoterpènes et en esters leur confère des propriétés des plus intéressantes : anti-inflammatoires , elles harmonisent et tonifient le système nerveux et favorisent l’expectoration du mucus lors de congestions respiratoires. Dans son livre Aromatree, Salvatore Battaglia partage une citation de Peter Holmes qui résume bien les caractéristiques des huiles essentielles de conifères : « elles revitalisent l’esprit spécialement lorsque nous nous sentons épuisés et que nous manquons de volonté pour persévérer » (1).
J’ai découvert il y a un an qu’il était facile de recueillir au printemps un peu de résine de sapin baumier, en même temps que quelques bouts de branches pour la fabrication de produits maison. Rien en grande quantité. Simplement de petites quantités pour mon usage personnel. J’ai la chance d’habiter sur la Côte-Nord, le long d’une belle forêt remplie de conifères divers. J’ai depuis eu le temps de lire un peu plus sur le sujet de la cueillette des produits du sapin baumier et il me fait plaisir de partager avec vous mes petites trouvailles.


Historiquement, le sapin baumier (Abies balsamea) était prisé par les Premières Nations en Amérique du Nord puisqu’il constituait pour eux un réel approvisionnement médicinal. Pratiquement toutes les parties de l’arbre étaient utilisées et chacune avait son usage spécifique. La résine contenue dans l’écorce était utilisée pure ou transformée en baume pour soulager les coupures et les plaies. La résine était également consommée à l’oral pour soulager la toux et les symptômes du rhume ou d’autres problèmes respiratoires. Des décoctions à partir de la partie interne de l’écorce étaient aussi proposées pour soulager les douleurs à la poitrine due à la congestion et aussi soulager la constipation. Les aiguilles étaient utilisées aussi un peu comme dans un « sauna d’aujourd’hui », c’est-à-dire qu’elles étaient déposées sur du charbon chaud pour dégager leurs arômes : l’inhalation des composantes aromatiques permettait ainsi de soulager les toux, la congestion de la poitrine et certains maux de tête.
De nos jours, il semble que ce soit surtout la cueillette de résine de sapin baumier et de quelques branches (surtout les pousses du printemps) qui soient encore d’usage. Le sapin baumier est un arbre commun de la forêt boréale et il peut atteindre jusqu’à 20 m de hauteur. Le tronc du sapin baumier est facile à reconnaitre, car il est essentiellement lisse et grisâtre. Il possède de petits renflements à sa surface que l’on nomme vésicules et qui sont remplis de résines. Ses rameaux gris-vert sont garnis d’aiguilles plates et d’une surface blanchâtre en dessous.
La résine de sapin baumier est utilisée et recherchée encore aujourd’hui pour ses propriétés antiseptiques : elle soulage et apaise plusieurs problèmes de peau. On peut l’utiliser pure par exemple sur un abcès , une plaie ouverte ou même les verrues (2). Il semble qu’elle aide également à soulager le mal de dents et la gorge irritée. Lorsqu’on la dilue dans une huile végétale pour en faire une huile médicinale (20 % résine contre 80% huile végétale) elle permet le soulagement des douleurs musculaires et articulaires (2). Elle est aussi prisée pour ses propriétés calmantes du système nerveux et expectorant : on lui donne des vertus pour aider à éliminer le mucus des voies respiratoires lors de symptômes infectieux. L’industrie des parfums, savons et bougies l’utilisent aussi de nos jours comme fixatif. Pour ma part, je trouve que la cueillette de résine, bien que très collante, est une excellente activité locale à pratiquer. C’est toujours relaxant de faire une promenade dans la foret. De plus, cela nous permet d’obtenir un produit local inégalé du point de vue de l’odeur et de ses propriétés ! La cueillette doit cependant se faire dans le respect de la nature, en faisant attention de ne récolter que de petites quantités à la fois afin de ne pas affecter la santé des arbres.
La cueillette de résine de sapin baumier
La cueillette s’effectue généralement du mois d’avril au mois de novembre sur les arbres matures. Elle ne doit jamais être effectuée sous la pluie ou sur un tronc mouillé, pour éviter que l’eau entre en contact avec elle et nuise à la conservation de ses propriétés. Il existe un instrument adapté pour sa cueillette et utilisé par les professionnels: le picoué. Comme la majorité d’entre nous n’en possédons pas, je vous partage ma façon simple d’effectuer cette opération. Il s’agit d’utiliser un couteau pointu et un petit contenant de verre. Il faut choisir idéalement les plus grosses vésicules et s’assurer de n’en prendre que très peu par arbre. Il suffit d’enfoncer le bout de la lame du couteau dans le renflement pour percer la vésicule, tout en faisant une pression vers le bas pour favoriser l’écoulement de la résine le long de la lame. Il ne reste qu’à racler cette dernière sur le bord du contenant et répéter l’opération à plusieurs reprises. Il sera primordial de filtrer la résine recueillie pour la déloger de toute impureté. Je suggère d’utiliser un simple filtre naturel à café, que l’on placera au-dessus d’un entonnoir et d’un récipient propre en verre. La résine sera plus facile à filtrer si nous la réchauffons au préalable : il s’agira de déposer le contenant original dans un bol contenant un peu d’eau chaude durant quelques minutes, le temps qu’elle se liquéfie davantage. Lors de mes deux dernières promenades, j’ai récolté environ 30 ml de résine : une quantité tout à fait suffisante pour effectuer mes diverses recettes. Vous allez découvrir que lorsque vous fabriquer vos produits à partir de la cueillette de résine ou de branches de sapin baumier, l’odeur de votre maison sera complètement transformée, rafraîchit et divine.
P.S : Si la récolte de résine de sapin baumier est impossible pour vous, il est bon de savoir que certaines compagnies en offrent à la vente dans leurs boutiques.


Huile infusée à la résine de sapin baumier
Une huile inégalée en bienfaits, grâce à ces composantes actives, et pourvue d’un arôme sublime. Il est important de s’assurer que la résine de sapin recueillie soit bien filtrée. On peut la filtrer avant de lui ajouter l’huile végétale ou après. J’ai découvert avec la pratique que c’est plus facile à filtrer une fois qu’on la mélange avec l’huile végétale et qu’on chauffe le tout.
Utiliser une partie de résine pour trois ou quatre parties d’huile végétale au choix (ex: jojoba, tournesol, olive, pépins de raisins). Par exemple, pour 20 ml de résine de sapin baumier filtrée, il faut ajouter de 60 à 80 ml d’huile de jojoba. Faire chauffer le mélange à l’intérieur d’un bain-marie et en brassant jusqu’à complète dissolution de la résine. Filtrer le mélange pour enlever les particules de bois ou autres et entreposer l’huile obtenue dans un contenant étanche à l’abri de la lumière. L’huile infusée se conservera plusieurs mois, selon la date d’expiration de l’huile végétale utilisée.
Cette huile infusée peut s’utiliser seule, mais elle peut aussi servir à plusieurs usages : huile à massage apaisant, base pour divers baumes et beurres corporels, ingrédients d’un sirop contre la toux, tisane (selon l’huile végétale utilisée), base à la fabrication d’un parfum personnel, ajout dans des sels de bain, etc. Il est important de noter que l’huile ne sera pas collante car la résine de sapin est soluble dans l’huile.

Macérât ou infusion à chaud d’aiguilles de sapin baumier
Les propriétés du macérât de sapin baumier sont obtenues grâce aux composantes actives (huiles essentielles) présentes dans ses aiguilles et, surtout, dans les jeunes pousses du printemps. Nous pouvons également utiliser les aiguilles des branches un peu plus matures pour le préparer et obtenir tous ses bienfaits. Les propriétés de l’infusion à chaud ou macérât de sapin sont multiples: cicatrisante (coupures et brûlures superficielles), relaxante et apaisante (douleurs), antiseptique, décongestionnante et tonique respiratoire. Pour ce faire, il s’agit de prélever minutieusement quelques petites branches ou pousses et de détacher les aiguilles afin de les couper en plus petits morceaux. Il faut savoir que la température d’une macération à froid ou à chaud ne sera jamais assez élevée pour permettre une extraction complète des propriétés de matières plus coriaces, comme les aiguilles. Le fait de les hacher va permettre une meilleure libération des composantes actives dans l’huile végétale. En ce qui me concerne, j’ai passé au mélangeur environ une tasse d’aiguilles fraîchement cueillies de sapin baumier (à partir de branches matures et non de pousses) et j’ai obtenu environ une demi-tasse d’aiguilles broyées.
Une fois hachées ou broyées, mettre les aiguilles dans un contenant de verre et ajouter un volume équivalent (ou plus) en huile végétale. Pour une demi-tasse totale d’aiguilles hachées, j’ai ajouté une bonne demi-tasse d’huile de tournesol. L’important est que les aiguilles soient complètement immergées dans l’huile : il ne faut pas hésiter à ajouter un peu d’huile si nécessaire. Il faut porter attention aussi de ne pas trop en ajouter car sinon les propriétés et arômes seront diluées et moins perceptibles. Ensuite il s’agit de déposer le contenant (non couvert) dans un bain-marie dont le fond est recouvert d’eau frémissante et de diminuer la température de cuisson au minimum (environ 43-46 C). Laisser infuser de 8 à 24 heures, jusqu’à ce que l’huile retienne l’arôme du sapin baumier. Filtrer le mélange à l’aide d’un filtre naturel à café : il aura une coloration verdâtre et possédera une délicieuse odeur de sapin.
Se conservera plusieurs mois, selon la date d’expiration de l’huile végétale utilisée.
Le macérât d’aiguilles de sapin baumier est utile pour la confection d’huile à massage, de baumes corporels, comme huile de support dans un bain relaxant, dans la confection de savons ou comme ingrédients d’un sirop maison.


Autres utilisations des branches de sapin baumier
Je voulais mentionner que les branches ou pousses de sapin baumier sont aussi utilisées en décoction ou en tisane (aiguilles). En fait, les usages sont multiples mais je réserve pour cet article seulement les recettes conçues pour une application topique.
Confection d’un baume de sapin baumier
Voici la recette d’un baume tout usage, que l’on gagnerait à avoir toujours sous la main. Il peut d’ailleurs servir de baume en situation d’urgence, comme lors d’une sortie éloignée dans le bois. Il est aussi adéquat pour diverses utilisations à la maison : soulager et apaiser les problèmes de démangeaisons ou d’irritations de la peau (j’ai pu constater moi-même sa rapidité d’action pour soulager une réaction allergique de la peau), soulager les douleurs musculaires et même soulager les symptômes du rhume ou de congestion nasale. Vous ai-je déjà dit que j’adorais l’odeur ? Il est efficace comme tel, dans sa belle simplicité. Si vous souhaitez augmenter certains de ses bienfaits, vous pouvez certainement lui ajouter des huiles essentielles de qualité (voir ci-dessous).

Baume tout usage au sapin baumier
(rendement : 2,5 oz)
10 g de cire d’abeille
28 g d’huile infusée à la résine de sapin baumier (ou 56 g si on n’utilise pas de macérât d’aiguilles).
28 g de macérât d’aiguilles de sapin baumier (facultatif)
Faire fondre au bain-marie la cire d’abeille. Ajouter l’huile et bien mélanger. Verser dans un contenant de verre et laisser refroidir à la température de la pièce avant de conserver à l’abri de la lumière et de la chaleur. Se conservera plusieurs mois, selon l’huile végétale utilisée.
Variante :
Pour augmenter l’effet décongestionnant nous pourrions ajouter des huiles essentielles appropriées, comme celles de ma recette de baume décongestionnant (https://www.jamaissansmonhuile.com/baume-decongestionnant/).
Nous ajouterons au mélange obtenu, hors du feu :
8 gouttes HE Épinette noire (Picea Mariana)
8 gouttes HE Eucalyptus (Eucalyptus radiata)
6 gouttes HE Bois de cèdre (Juniperus virginiana)
4 gouttes HE Cyprès (Cupressus sempervirens)
Nous pourrions à la place de ces huiles essentielles ajouter simplement 26 gouttes de la synergie Easy air doTerra (mélange respiratoire).
Pour augmenter l’effet anti-inflammatoire, nous pourrions ajouter des huiles essentielles appropriées, comme les suivantes :
8 gouttes HE Siberian fir (Abies sibirica)
6 gouttes HE Camomille romaine (Anthemis nobilis)
5 gouttes HE Baie de genévrier (Juniperus communis)
3 gouttes HE Gingembre (Zingiber officinale)
3 gouttes HE Menthe poivrée (Mentha x piperita)
Nous pourrions à la place de ces huiles essentielles ajouter simplement 26 gouttes de la synergie Deep blue doTerra (mélange apaisant).
J’espère que cet article vous a été utile. Vous êtes invités à le partager si vous pensez qu’il peut être utile à d’autres personnes. Prenez soin de vous et n’oubliez-pas que la nature est notre meilleure alliée.
(1) Battaglia, S. (2019). Aromatree : a holistic guide to understanding and using aromatherapy. Black Pepper Creative.
(2) Schneider. A. (2011). Je me soigne avec les plantes sauvages: les reconnaître, les cueillir et les utiliser. Les Éditions de l’Homme.
